HISTOIRE D'UNE RESTAURATION.

( Histoire de la restauration de ma Dauphine R.1093 N° 65987, N° de fabrication 640, sortie d’usine le 12 Février 1962. )

*****

Lire d'autres histoires de restaurations en fin de page.

*****

Tout a commencé à la fin de l’année 1990 par une petite annonce parue dans un journal gratuit local … « Le Petit Palois » pour ne pas le nommer ! …

« A vendre : Dauphine 1093, année 1962 ... ».

Pour moi, passionné de voiture ancienne et à la recherche d’une seconde voiture pour tous les jours, c’était une aubaine.
La voiture était saine, mais passablement modifiée par rapport à une 1093 d’origine.

Ma 1093 ...
Quelques jours après son achat

Sellerie de R8.
Compteur de vitesse rond en lieu et place du compteur d’origine.
Côté mécanique, pas de pipe Autobleu,
mais une "simple" Gordini avec Solex 32 PIBT.
Etc… Etc ... !


Côté positif, carte grise de 1093, N° de série: 65987, N° de fabrication: 640.
Capot avec les gros phares, radiateur à faisceau cuivre, compte-tours d’origine.
C’était pratiquement les seuls éléments que je pouvais voir comme étant conforme à la 1093. Je ne savais même pas si le moteur était un 1093 ou pas.
J’eus très vite la réponse, puisqu’après quelques semaines d’utilisation, je cassais le moteur … Rupture d'un piston !
Démontage, ouverture du moteur et là ... Du bon et du moins bon !

- Le moteur est bien un 1093 avec pistons bombés, le vilebrequin est conforme avec gorges et pignon large.
- La culasse est conforme, mais il manque les ressorts "intérieurs" de soupapes.
A tout hasard, je téléphone au vendeur et lui demande s'il n'aurait pas les fameux ressorts et par la même occasion la pipe Autobleu et le carburateur d'origine.
Réponse le lendemain : il a bien retrouvé les ressorts et un carburateur.
Pas de chance, le carburateur n'est pas le bon, mais, pour les ressorts, c'est OK !
Malgré mes problèmes, je suis content, car si mon moteur n'avait pas cassé, je n'aurais peut-être jamais pu récupérer ces ressorts.

Côté moins bon ! L’arbre à cames possède un pignon étroit normal, soudé à l’arbre à cames.
Pendant des mois, j’ai pesté contre ce montage, cherchant désespérément un pignon large avant d’apprendre par hasard que, finalement, j’avais bien de la chance car mon arbre à cames est un Ferry et que le pignon soudé décalé faisait partie d’une préparation d’époque. Tout comme l’embrayage, non conforme à l’origine, mais possédant 9 ressorts au lieu des 6 d’origine.
Bilan mitigé ... J’avais bien entre les mains une 1093, mais passablement modifiée et incomplète.

Je trouve un piston d'occasion et je remonte.
Quelques semaines après, rupture d'un second piston !
Cette fois je change les 4 pistons et les remplace par des pistons normaux ( plats ).
Quelques semaines après, nouvelle rupture mécanique. Cette fois, c'est le pignon intermédiaire de distribution, en Céleron, qui a lâché !

Après réparation, je roulai encore quelques temps avec la 1093 avant d’acheter une Triumph Dolomite Sprint qui prit sa place au quotidien.

Durant cette période d'utilisation de la 1093, je m'étais intéressé à l'histoire de cette Dauphine pas comme les autres, et, si une chose était sûre, c'est que ce n'était pas une voiture courante!
C’est en faisant des recherches de documents et en essayant d’en faire un recensement que je découvris que c’était même un modèle devenu extrêmement rare et recherché.
Si bien qu’un jour, je décidai de me lancer dans la restauration de cette voiture qui, désormais, dormait dans mon garage.

*****

Début 1998, je commençais par faire une liste des éléments d’origine 1093 que j’avais et de ceux qui me manquaient.
Résultat : Si je voulais remonter une voiture conforme à l’origine, ce n’était pas gagné.
Après réflexion, je décidais quand même de me lancer dans sa restauration, en me disant que j’allais en faire une sorte de "prototype" sur base 1093, un peu "version course allégée".

Le 18 Avril 1998, jour de Pâques, j’attaquais le démontage, en commençant par le rétroviseur et les essuie-glaces.
C’était parti … Pour une longue histoire !

16 mois plus tard, le 31 Août 1999 ( Je sais! Je ne suis pas très rapide ),
la coque nue partait pour le sablage.
Après sablage et passage chez un carrossier pour application d'une couche de protection antirouille ...
Retour à la maison !

Grattage et nettoyage du dessous et ... Le temps de trouver un bon carrossier qui veuille bien faire ce genre de travail ...
Ce qui est moins évident que cela paraît ! ...
Le 5 Juin 2000, c'est le départ pour les travaux de tôlerie et peinture.


Le 11 Novembre 2000 ... Nouveau retour à la maison.

Ce retour est un tournant important dans la restauration de la voiture.
Le travail de tôlerie et de peinture est d'une telle qualité ( Merci Bertrand !) que je ne peux plus me contenter d'une restauration approximative.
Ma décision est prise, il faut remettre cette voiture comme elle était le jour de sa sortie d'usine, en respectant, au mieux, les spécifications de la 1093.

Sur cette belle caisse, flambant "neuve", j'allais pouvoir commencer à remonter les éléments que j'avais entre temps préparés.
Train avant...

Train arrière ...
L'objectif étant de remettre la voiture sur ses roues le plus rapidement possible.
( Beaucoup plus pratique pour la déplacer ! )

Remise en place de la direction, du pédalier, puis du système de freinage, le tout remis à neuf !


Remontage de la commande de boîte de vitesses et ... Premier gros "coup de blues" ... Les vitesses ne passent pas ( La boîte est bloquée ).
Soit le problème vient de l'intérieur de la boîte et, dans ce cas, il faut tout redémonter !
( Hypothèse improbable car je n'ai pas ouvert la boîte qui fonctionnait parfaitement avant. )
Soit le problème vient du nez de boîte, et c'est moins grave car beaucoup plus accessible.
J'ouvre et soulagement, un ergot de commande n'est pas en place et bloque la boîte.

Ouf ... ! Sur ce coup là, je m'en tire bien !
Remontage et tests ... Marche arrière. Première . Seconde. Troisième ???...Troisième ??? ( La trois ne passe pas ! ). Quatrième. OK !
Pour la "trois" ... Je verrai plus tard !

Le premier objectif est atteint, la voiture est sur ses roues ... Avec les phares refaits, remontés !


Une voiture sur roues, c'est bien, mais c'est encore mieux quand ça roule !

*****
Passons donc à la restauration moteur.

Contrôle des différents éléments:
- Vilebrequin, malheureusement à la dernière côte réparation, mais impeccable !
- Equilibrage des bielles.
- Achat d'un jeu de chemises-pistons et d'un pignon intermédiaire de distribution en alu, le tout en neuf.
- Réfection de la pompe à huile.
- L'arbre à cames Ferry est conservé tel quel avec son pignon étroit ( Voir explication plus haut ).

Le bas moteur prêt à être remonté !


- Culasse vérifiée, soupapes rôdées et doubles ressorts remontés comme à l'origine.


Mais il me manquait toujours la plupart des accessoires, sauf l'allumeur S.E.V A57 avec sa prise de compte-tours et le démarreur qui étaient sur la voiture lors de l'achat.

- Pipe Autobleu ... manquante !
- Carburateur Solex 32 PAIA-3 ... Manquant !
- Filtre à air sec Técalemit ... Manquant !
- Dynamo Bosch ... Manquante !
- Régulateur Bosch ... Manquant !

Des soucis en perspective pour trouver toutes ces pièces spécifiques.
Je commençais par trouver une pipe Autobleu dans le nord de la France. Malheureusement, cette pipe n'est jamais arrivée chez moi !
Perdue dans la nature, mais peut-être pas pour tout le monde !
J'en trouvais une seconde, qui, cette fois arriva à bon port, mais elle avait le bas tronçonné ( à refaire ).
Puis je trouvais le carburateur, d'occasion, mais en bon état.
Pour le filtre à air, trois ans de recherche !
Pour la dynamo et le régulateur, encore plus long, pratiquement introuvables en France, à cause de la spécificité de la 1093 : elle est en 12 Volts.
Mais les Dauphine Export USA étaient, elles aussi, en 12 volts donc, peut-être une chance de ce côté !
Effectivement, après quelques mois de recherche sur Internet, les occasions se présentent:

D'abord la dynamo, puis le régulateur.


Encore quelques heures de nettoyage, décrassage, peinture, et refabrication de pièces comme le support de régulateur ou le palonnier de commande du carburateur, et le moteur peut être remonté sur la voiture.


Le moteur est en place, les accessoires seront remontés un peu plus tard.

*****
En attendant, il faut s'occuper de l'intérieur et surtout des branchements électriques.

Pas trop de problèmes pour la mise en place du faisceau, mais attention aux branchements. Ce n'est pas une voiture moderne, mais il y a quand même beaucoup trop de fils pour un néophyte comme moi en matière d'électricité automobile.
Sans parler de l'accès aux branchements sous le tableau de bord !

A propos de tableau de bord, voici un petit aperçu de la remise en état du compteur de vitesse.


Et voilà le résultat !



*****
A la mi-juin 2002, la voiture commence à prendre forme.

Mais il lui manque
un petit quelque chose !

... Ah ! Voilà !

C'est mieux à droite, non,

ça fait déjà plus 1093 !


Bon! Eh bien il ne reste plus qu'à remonter tout le système de freinage, avec le frein à main.
Remonter le pare-brise, la lunette arrière, les vitres, avec tous les joints et les mécanismes d'ouverture, les baguettes, les pare-chocs rechromés, les essuie-glaces, les sigles, et toutes les petites finitions de carrosserie qui prennent un temps fou.
Finir de remonter tous les accessoires du moteur, fixer toutes les gaines et les fils qui passent sous la voiture, et remettre les tôles de protection ... et mettre de l'huile, du liquide de refroidissement, du liquide frein, de purger les freins, de régler le frein à main, de régler les phares, de vérifier que tout le système électrique fonctionne.

Et puis, il y a toujours cette troisième vitesse qui ne passe pas. Redémontage du nez de boîte ... Tous paraît en place.
Je pousse, je tire, mais rien n'y fait ! Cette foutue "troisième" ne veut rien savoir. Je me dit que cette fois, c'est à l'intérieur de la boîte.
Aïe ! Aïe ! AÏe ! Galère !
Un peu énervé, je me décide à employer les grands moyens. Un maillet caoutchouc et ... Pan ! ... Je tapote, je tapote sur le bout de l'arbre et ... Miracle, ça se décoince.
La boite étant restée très longtemps sans huile, le système de vérouillage s'était certainement grippé.
Finalement, tout à l'air de bien fonctionner ... C'est l'essentiel !

Bon! Il ne reste plus qu'à mettre de l'essence et ... en route ! Ah non, il faut d'abord régler les culbuteurs, l'allumage et la carburation, et puis, ....
Après avoir fait un dernier tour de la voiture, brancher la batterie, mettre le contact et tourner la clé en croisant les doigts et en espérant ne rien avoir oublié.

Si tout va bien, ça doit démarrer !
Un coup de démarreur ... Rien !
Deux coups de démarreur ... Rien !
Trois coups de démarreur ... Toujours rien ... Là, c'est l'angoisse !
Le cerveau bouillonne ! Qu'est-ce que j'ai oublié ?
On ouvre le capot ! Essence ? Elle arrive ... C'est bon ! Allumage ? On démonte une bougie et, comme on ne peut pas être à la fois derrière la voiture et dans la voiture pour tourner la clé de contact ... On est là, avec, dans la main droite, la bougie à la masse et, dans la main gauche, un tournevis pour faire le contact au démarreur.
Et là, dans un vacarme assourdissant ( bougie enlevée oblige ) ça vous pête aux oreilles.
Un petit instant de frayeur, le temps de maîtriser la situation et on réalise ...

Ca y est, elle tourne !
Si ! Si ! Regardez bien ! Ca tourne !

On lui met des belles roues

Et la 1093 peut effectuer ses premiers tours de roues ... Après restauration !

On est le 13 Juin 2004.



*****
Là ! On croit que c'est fini !
Erreur ! Grosse erreur !

*****

Il reste tout l'habillage intérieur, le ciel de toit ( çà, c'est une vraie galère ! ), les entourages et les joints de portières à coller.
Tous les sièges à démonter, gratter, ressouder.
Toute la sellerie à refaire en tissus " pied de poule" et simili cuir marron.
Là aussi, j'ai essayé de faire au mieux, aidé par quelques coups de chance !
Le tissu d'origine est, aujourd'hui, devenu introuvable, mais j'ai la chance de l'avoir acheté il y a quelques années chez ENPI qui en possédait encore quelques mètres. D'autre part, je voulais conserver le simili d'origine et non le remplacer par du skaï actuel. J'ai donc acheté tout ce que je trouvais, sièges, banquettes, dossiers ...

Petite parenthèse anecdotique : j'achète un jour via Internet un lot de 5 dossiers et banquettes pour la somme folle de 20 Euros.
Il s'avère que le vendeur n'est autre que le premier propriétaire de la 1093 N°65111, voiture ex-usine qui a servi comme modèle pour la réalisation de la RTA "Les Archives du Collectionneur" et qui se trouve maintenant dans la collection Renault " Histoire et Patrimoine".

Je ferme la parenthèse ...
Par chance, parmi mes achats, je récupère un jeu de panneaux de portes dans un état d'origine impeccable, avec le tissu thermocollé.


Pour le reste, j'attends toujours ma sellerie pour la monter sur mes structures ... refaites.

*****

En attendant, après avoir posé les numéros d'immatriculation ( C'est mieux quand on veut rouler ! ), un bon réglage des trains avant et arrière ( J'ai monté des tirants réglables ), et quelques réglages de finition ... Direction le "Contrôle Technique".

CT obtenu, avec succès le 02 Novembre 2005.
Maintenant, je peux rouler en toute légalité !

Pour mon plaisir ...


... Et pour les copains qui entendent parler de cette voiture depuis des années et qui enfin ... l'ont vue !



*****

Autre satisfaction ! J'ai reçu récemment, du service "Histoire et Collection" de Renault, la fiche de sortie d'usine de ma voiture.
Les N° de plaque losange ( 0065987 ) et N° de fabrication ( 640 ) sont bien conformes ... Et, en plus, le numéro de moteur ( 120609 ) est conforme.
Ma voiture a son moteur d'origine !

Que demander de plus !



*****
Bilan.
Avril 1998 - Septembre 2005, la restauration s'est étalée sur 6 ans et demi.
C'est long, très long, mais c'est peut-être pour cela que, contrairement à beaucoup d'autres "restaurateurs" amateurs, je n'ai jamais eu de moments de découragement, ni, évidemment, l'envie de tout laisser tomber. Il faut du temps pour tout, démonter, trouver les éléments manquants, nettoyer, repeindre, refabriquer, remonter. Puis un jour, sans s'en rendre compte, on en voit la fin. Il est vrai aussi que je n'attendais pas impatiemment ma 1093, car j'ai la chance d'avoir deux autres voitures, des Anglaises. Une Triumph TR3A pour les beaux jours et une Triumph Dolomite Sprint pour les jours de mauvais temps. Maintenant une petite Française a trouvé sa place entre les deux ...



*****